Soutenance de Thèse sur les dynamiques de déforestation et de dégradation forestières en Côte d’Ivoire
Tiodionwa Ouattara a reçu le titre de Doctorat en Science et Technologie, Mention : Télédétection et SIG, Spécialité : Aménagement, Gestion des Terres et des Ecosystèmes. Ses travaux portent sur "le Suivi des Terres et de la Déforestation par télédétection Spatiale et Aérienne à l’Est et au Sud-Est de la Côte d’Ivoire".
Contexte et objectifs
L’Etat Ivoirien a initié une nouvelle politique forestière en 2019 qui vise à freiner la déforestation. Pour appuyer cette politique de réduction de la déforestation et mieux comprendre les dynamiques en cours, des cartographies fines et régulières des changements d’occupation et d’usage des terres sont nécessaires. Cependant, de fortes limitations affectent ces systèmes de suivi : forte nébulosité, résolution spatiale, fréquence d’acquisition ainsi que complexité des agrosystèmes etc. ce qui explique leur faible usage opérationnel en Côte d’Ivoire malgré leur potentiel. De plus, de telles études de cartographie de l’occupation du sol par satellite doivent tenir compte de la rapidité des processus anthropiques sous-jacents, il est nécessaire de développer des approches reproductibles à l’échelle de temps annuelle ou intra-annuelle selon les processus.
La déforestation dans la forêt classée de Bossématié pour la mise en place de la cacaoculture
C’est la problématique abordée dans cette étude qui cherche à tester et développer des méthodologies associant l’analyse des données de Télédétection spatiale et aérienne (Drone) et des données de terrain pour évaluer et mieux comprendre les changements d’utilisation des terres en Côte d’Ivoire. Ces travaux ont été menés dans le cadre du projet REDD+ de Mé et se sont intéressés en particulier aux dynamiques de déforestation et de dégradation forestières à l’échelle régionale et locale.
Approche méthodologique des travaux de recherche : échelle régionale (Est et Sud-Est de la Côte d’Ivoire) et locale (Forêt classée de Bossématié)
Résultats
Les résultats montrent que l’extension des cultures de rente (cacao-café, hévéa et palmier à huile), des cultures et jachères non différenciées ainsi que des infrastructures (habitations et routes), a conduit à un taux de déforestation de 4,95% par an dans l’Est et le Sud-Est de la Côte d’Ivoire entre 2016 et 2019.
Cartes d’occupation et d’usage des terres dans l’Est et le Sud-Est de la Côte d’Ivoire en: A/ 2016 et B/ 2019
Les formations forestières denses sont converties d’abord en forêts dégradées ou secondaires, puis en cultures ou jachères non différenciées avant que les cultures de cacao-café apparaissent. Dans le cas des forêts dégradées ou secondaires, ce sont les cultures de cacao-café qui restent la première cause de la déforestation, puis les cultures ou jachères non différenciées avant que n’apparaisse l’hévéa.
Diagramme de répartition présentant les usages des terres post-déforestation entre 2016 et 2019 dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire concernant A/ les formations forestières denses et B/ les forêts dégradées ou secondaires
Les analyses au niveau local ont montré une perte importante de biodiversité dans la forêt classée de Bossématié et également l’importance du drone dans l’évaluation de la dynamique de déforestation et de dégradation forestière en milieux forestier. Ces résultats apportent un nouvel éclairage et une quantification des usages de sol post-défrichements, notamment l'impact des cultures de rente. Ils soulignent également l'importance des formations secondaires dans le paysage (anciennes cacaoyères abandonnées) et leurs conversions récentes vers d'autres cultures notamment l’hévéa.
Illustration des Orthomosaïques (A), des Modèles Numériques de Surfaces en 3D (B), en 2D (C) et Modèles Numériques de Terrain (D) entre 2018 et 2019 sur un site de la forêt classée de Bossématié
Conclusions et perspectives
Ces travaux à l’échelle régionale ont permis à la fois de quantifier l’importance des changements ainsi que les causes probables de ces changements permettant de mieux comprendre les mutations en cours du territoire. La méthodologie est facilement reproductible dans d’autres régions ou dans le cadre d’une actualisation (outil open source et données gratuites).
Par ailleurs, les réflexions en cours sur les choix techniques, dans le cadre de la surveillance spatiale des terres (SST) à l’échelle nationale, pourraient bénéficier des enseignements tirés de la présente étude. En particulier, les résultats de ces travaux démontrent qu’il est possible, de détecter la déforestation et la dégradation des forêts avec le drone. Cela permettrait d’affiner notablement le Niveau d’Emissions de Référence des Forêts (NERF) transmis par la Côte d’Ivoire à la Convention Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) ainsi que la mise en place de système d’alerte précoce pour guider les actions de terrain.